Je lis un bouquin incroyablement génial qui retarde mon activité bloguesque. Je le disais hier soir sur Facebook (tu as loupé l’info si tu ne suis pas ma page mais je te pardonne et je me répète juste pour toi).
« Tony Hogan m’a offert un ice cream soda avant de me piquer maman » de Kerry Hudson.
Elle réalise un pari osé, et qui marche : transformer le chaos d’une enfance moche, affreuse, entre alcool et beaux-pères merdiques en un truc « joyeux, coloré, drôle et fascinant ». Ce sont les 4 mots écrits sur la 4ème de couverture. Ceux-là mêmes qui m’ont poussé à acheter le bouquin. (Acheter des livres, encore, tandis que je suis en train de vider ma bibliothèque sur deuxième main, cherchez l’erreur).
Kerry Hudson et son style percutant ne permettent aucune sorte de procrastination, la remise de lecture à plus tard est impossible. Ou alors si, mais juste pour l’essentiel (nourrir mon enfant, quand même. Faire pipi aussi). C’est un bébé de quelques minutes à peine qui prend la parole dès le premier paragraphe:
« Sors de là, putain de foutue petite morveuse! » furent les premiers mots que j’entendis dans ma vie. La sage-femme au visage luisant, qui apprit ce soir-là un tas de nouvelles tournures, caressait les cheveux de ma mère. « Vous allez bien toutes les deux. Faudra vous faire quelques points plus tard…la petiote vous a un peu déchirée en sortant. » Maman me posa, toute collante et molle, sur sa poitrine, en se demandant comment une chose aussi rose, plissée et fragile pouvait être assez méchante pour déchirer l’être censé l’aimer le plus au monde. Mais les femmes Ryan étaient ainsi : poissardes jusqu’à la moelle, elles étaient toujours prêtes à en découdre et savaient frapper là où ça fait mal. Je n’étais pourtant pas méchante. Personne n’aurait su dire si j’étais intelligente ou maligne comme ma grand-mère l’avait prédit en soufflant des ronds de fumée de ses Benson & Hedges au-dessus du ventre distendu de ma mère. J’étais un « bébé difficile » qui ne cessait de grimacer et de recracher le sein. Les marbrures de ma peau délicates témoignaient de mon indignation d’avoir été arrachée aux forceps d’une niche douillette et chaude où j’étais parfaitement heureuse. »
On grandit avec Janie à qui sa maman paumée donnera un prénom à l’âge de 3 semaines. Mais jamais on ne déteste cette maman, et jamais on n’a envie de pleurer pour Janie. Le livre est triste mais trop pétillant à la fois pour ça.
Si quelqu’un veut le lire, je lui envoie avec plaisir et il le refilera à quelqu’un d’autre. C’est le genre de livre qui ne peut pas dormir sur une étagère Ikea. Melissa si tu lis ceci, sache que ton livre est en cours d’expédition avec 3 mois de retard oui je sais 🙂
En tout cas, il m’a inspiré quelques réflexions. J’ai pensé, tient si mon bébé pouvait exprimer chacune de ses pensées…
Souvent la seule phrase retenue de mes cours de religion avec un vieux Père Jésuite me vient en tête : ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’il te fasse. Pas facile à mettre en application avec un enfant. Surtout quand tu lui mets une bonne dose de sérum phy dans le nez. En fait je n’aimerais pas tout un tas de trucs si j’étais un bébé de 5 mois et demi.
Je n’aimerais pas:
– regarder ma mère lire au lieu de prendre le temps de discuter avec moi
– devoir aller dans des bras inconnus sous prétexte que j’ai une bonne bouille
– sentir l’haleine de tous les gens qui me parlent sous prétexte que je ne peux pas encore leur dire de prendre un chewing-gum
– dormir dans une gigoteuse sans pouvoir gesticuler librement ni me blottir sous une couette en plumes de canard
– manger des carottes écrasées sans sel
– avoir la capacité de me mettre dans une rage folle qui me fait devenir rouge et sanglotante en 6 secondes chrono
– le non respect de l’intimité de mon anatomie quand on me change un peu partout
– entendre des comptines débiles, mal chantées et accompagnées de gestes quand je suis d’une humeur de lionne
– devoir faire semblant de tousser pour attirer l’attention
Mais si j’avais 5 mois et demi, j’adorerais
– me blottir dans les bras de ma mère pendant qu’elle lit la vie de Janie et de son beau-père Tony Hogan
– les massages de sourcils quand je m’endors
– écouter toutes les conversations d’adultes parce qu’ils pensent que je ne comprends rien du tout
– avoir un cou de maman à proximité pour me cacher quand je suis timide ou gênée
– être certaine d’avoir des sourires en retour quand je suis moi-même d’humeur à en donner
– me balader accrochée comme un petit koala dans le porte-bébé
– le respect de mon entourage pour mon sommeil qui ressemble à un trésor ultra précieux
– prendre l’avion, changer de pays, de vie, en étant la plus zen du monde
…
Il est 6h33, ça me rappelle les matins d’examens à l’univ’ quand j’essayais après une courte nuit de faire rentrer quelques derniers trucs dans ma petite tête. Ca me rappelle aussi les départs en vacances dans le sud et la nausée en prenant un Touristil avant même de rentrer dans la voiture. Je ne pars pas dans le sud mais je prends quelques jours de congé (du blog hein, parce que oui je sais mon congé dure depuis 6 mois maintenant).